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Râler surtout sur tout
23 mars 2019

PINUS.OVER-BLOG.COM Anti tout, contre tout,

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Anti tout, contre tout, quelques soit la race, la religion, les idées politiques

AVEC L’AFFAIRE BENALLA, LE SÉNAT SE RACHÈTE UNE VERTU

Le sénat, vertueux "contre pouvoir" ? Après que nos institutions soient tombées bien bas pour que la leçon de vertu, dans l’affaire Benalla, soit venue cette semaine du Sénat. Il faut que l’insensibilisation du Parlement aux dérèglements éthiques ait encore progressé depuis deux ans pour que la déontologie la plus élémentaire (« dire la vérité, rien que la vérité » aux citoyens et à leurs représentants) ait dû être rappelée aux hommes de l’Élysée depuis le Palais du Luxembourg par Gérard Larcher. Il faut que la macronie ait bien parachevé la dévitalisation de la Ve République et asséché ses derniers contre-pouvoirs pour que le pays se soit retrouvé, jeudi 21 mars, suspendu à un sursaut éthique du groupe LR du Sénat, mijoté dans les arrière-cuisines de son patron, Bruno Retailleau, ancien bras droit de François Fillon. Que cette droite-là joue aujourd’hui les parangons de rectitude en saisissant le procureur de Paris – non seulement des parjures sous serment d’Alexandre Benalla et de son comparse Vincent Crase, mais aussi des possibles mensonges des plus hauts fonctionnaires de la République (Patrick Strzoda, Alexis Kohler et le général Lavergne) – est un comble. Depuis quand le Sénat (aux mains des socialistes seulement de 2011 à 2014) a-t-il recours à la justice de droit commun ? Ou, plus précisément, combien de fois a-t-il déjà signalé une infraction – ou un soupçon d’infraction – commise derrière ses tentures par l’un des « siens » ? Jamais. Le Sénat s’est déjà constitué partie civile, une fois, pour protester contre un parjure, celui du pneumologue Michel Aubier, qui avait témoigné en 2015 devant une commission d’enquête sur la pollution de l’air en dissimulant ses liens financiers avec le groupe Total – il a depuis été condamné. Mais le fautif n’avait rien à voir avec la « maison ». Le Sénat, une autre fois, a déposé plainte pour diffamation à l’encontre d’un journaliste, auteur d’un brûlot qui l’encombrait (Le Sénat, un paradis fiscal pour des parlementaires fantômes, aux éditions du Rocher) – une action pénale inédite engagée en 2016 sous la houlette de son président, Gérard Larcher. En 2011, surtout, l’institution a saisi le procureur de la République pour « vol » de documents et « abus de confiance », après une série de révélations de Mediapart sur les salaires des conseillers de Gérard Larcher ou les « bonus » de retraite cachés des dignitaires, dans le seul but d’identifier nos sources, de les traquer, de les dissuader surtout de continuer – du jamais vu dans l’histoire parlementaire. À l’époque, le signalement a été rédigé par les questeurs au nom de « l’État-Sénat », expression fabuleuse qui rappelle la formule absolutiste prêtée à Louis XIV : « L’État, c’est moi. » Mais jamais, au grand jamais, la justice n’est apparue comme une option lorsqu’il s’est agi pour le Sénat de régler « ses » affaires. Elles n’ont pourtant pas manqué, ces dernières années. Quand Mediapart a révélé (en 2011) que le socialiste Jean-Marc Pastor, questeur de son état, bidouillait de fausses notes de frais avec le tampon du restaurant de sa fille, le fautif a reconnu une « erreur d’appréciation ». Mais il s’est contenté de rembourser, sans même songer à démissionner de la questure. Et le bureau du Sénat (où siègent tous les groupes politiques) n’a surtout pas bougé. Pire : la même institution qui signale aujourd’hui « la suspicion de faux témoignage » de Patrick Strzoda (directeur de cabinet d’Emmanuel Macron) n’a rien intenté quand Jean-Marc Pastor, en panique face à nos révélations, a diffusé à la presse un communiqué de soutien de Gérard Larcher inventé de toute pièce. L’imitation ne manquait certes pas de panache : « La morale et la droiture de Jean-Marc Pastor et Philippe Richert [autre questeur cité dans nos articles – ndlr], exemplaires, restent leur chemin de vie », disait le texte. On en rirait. Gérard Larcher, lui, s’est contenté d’en démentir la paternité sans déposer plainte. Tandis qu’aujourd’hui, le troisième personnage de l’État justifie en ces termes les signalements décidés par le bureau du Sénat (où les voix LR ont fait pencher la balance) : « C’est simplement l’application du droit, rien que le droit, tout le droit. » La loi, en effet, fait obligation aux autorités constituées d’aviser le procureur des infractions dont elles « acquièrent la connaissance ». Or, depuis 2014, les indices s’accumulent d’un détournement industriel, au profit d’élus, de crédits du Sénat censés servir à la rémunération d’assistants (voir nos dernières révélations ici et là). Alors que des millions d’euros ont été siphonnés, sept mises en examen ont déjà été notifiées à l’encontre de sénateurs (ou ex-sénateurs) pour « détournement de fonds publics » et/ou « recel », au fil d’une instruction judiciaire toujours en cours. Or, tous sont issus des rangs UMP (devenus LR). Et pour cause : le système était organisé depuis l’intérieur du groupe, et des dizaines de ses membres ou dirigeants en ont bénéficié, dont Henri de Raincourt (ancien président du groupe mis en examen) ou Jean-Claude Gaudin (qui a démenti toute malversation). N’étant pas lui-même cité parmi les bénéficiaires, Gérard Larcher (LR) aurait pu suggérer que le Sénat, victime présumée, se constitue partie civile, au moins pour y voir clair. Bruno Retailleau aurait pu le réclamer aussi, qui a pris les rênes du groupe UMP en 2014, juste après la découverte du pot aux roses par la justice – tuyautée non par un ténor de la droite qu’un destin de lanceur d’alerte aurait soudain tenté, mais par Tracfin (le service anti-blanchiment de Bercy). À la place, les avocats des mis en cause ont surtout mobilisé les plus hauts fonctionnaires de l’institution pour tenter de démontrer la légalité des montages et de stopper les juges, sans succès. Ainsi, les rapports de la « Chambre haute » avec l’autorité judiciaire sont à géométrie variable. Faut-il rappeler que les magistrats ont dû s’y reprendre à plusieurs fois pour obtenir du bureau du Sénat (où siègent toutes les tendances politiques) la levée de l’immunité de Serge Dassault ? En juillet 2013, ce fut non. En février 2014, encore non. La garde à vue de l’homme d’affaires – qui a profité pendant des années d’un cabinet de travail mis secrètement à sa disposition par la présidence du Sénat à l’intérieur du Petit Luxembourg – ne sera autorisée qu’un mois plus tard. Ces votes en bureau, d’ailleurs, se déroulent toujours à huis clos, comme jeudi dernier, sans que la « maison » n’indique jamais qui a voté quoi. « L’application du droit, rien que le droit, tout le droit », mais sans les noms de ceux qui l’ont réclamée, ni de ceux qui s’en sont gardés ? Ces quelques antécédents rappelés, faut-il reprocher à la droite sénatoriale d’être passée à l’action jeudi (en appui notamment des socialistes) et d’attenter ainsi à « la séparation des pouvoirs », de « pilonner la République », voire d’entamer « une danse du scalp » autour du chef de l’État, comme l’a dénoncé aussitôt Richard Ferrand (LREM), le président de l’Assemblée nationale ? Il faut se féliciter sur le fond de ces signalements, bien sûr, mais sans rien oublier. Sans être dupes, surtout, de l’opportunisme politique dont le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, a fait preuve, davantage que Gérard Larcher d’ailleurs, initialement tenté de composer avec l’Élysée à l’heure où la macronie envisage de réduire le nombre de parlementaires et s’interroge sur l’utilité de la « Chambre haute » – « Faut-il transformer [le Sénat] et comment ? » a demandé Emmanuel Macron dans sa Lettre aux Français, en ouverture du « grand débat national ». Plutôt que de s’adonner aux marchandages de coulisse, Bruno Retailleau, lui, a saisi combien l’affaire Benalla pouvait servir à redorer le blason du Sénat dans l’opinion publique, sinon à le « réhabiliter » comme contre-pouvoir. Certes, pas d’un coup de baguette magique – il faute dire la qualité des investigations menées par les « têtes pensantes » de la commission d’enquête, Philippe Bas (LR) et Jean-Pierre Sueur (PS). Mais d’un coup et d’un seul. Car ces dernières années, sinon, le Sénat n’a guère brillé par sa propension à déclencher des commissions d’enquête embarrassantes pour le pouvoir exécutif (qu’il soit de sa couleur politique ou non) : rien sur « l’affaire Cahuzac » sous la présidence Hollande (à l’inverse de l’Assemblée nationale), rien sur « l’affaire des sondages de l’Élysée » sous la présidence Sarkozy (alors que les députés socialistes ont tout tenté), rien sur les soupçons de conflit d’intérêts d’Alexis Kohler (l’actuel secrétaire général de l’Élysée), etc. Bruno Retailleau peut bien ironiser sur Twitter, satisfait de son bras de fer avec la macronie : « L’idée même de contre-pouvoir n’est pas encore une notion familière pour certains, ils finiront pas s’habituer. » À ce stade, un coup ne fait pas une habitude. Sous la Ve République, plus que de « contre-pouvoir », le Sénat a plutôt servi, à vrai dire, de chambre de « modération » et de défense des libertés publiques (jusqu’aux années 1980 surtout), face aux emballements de l’Assemblée nationale parfois démagogiques. Mais le mode d’élection indirecte des sénateurs (par les élus locaux et leurs représentants) et son rôle constitutionnel de représentation des collectivités l’ont toujours bridé dans sa capacité de bousculer les pouvoirs en place. Et s’il s’invente un rôle à l’occasion de l’affaire Benalla, c’est d’abord le résultat et le symptôme de l’abandon de toute velléité d’autonomie du côté de l’Assemblée nationale – là où les socialistes donnaient vaguement le change encore avec la commission « Cahuzac » sous François Hollande. Cet été, après avoir accepté une commission d’enquête au début de l’affaire Benalla, la patronne LREM de la commission des lois de l’Assemblée a coupé court aux auditions après quatre petits jours, et renoncé en panique à rédiger le moindre rapport, dès le 1er août. Une abdication qui marquera le quinquennat. Au Palais-Bourbon, sous Emmanuel Macron, la majorité renonce même à faire semblant.

 

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